Les traumatismes en héritage

 

Les traumatismes peuvent se transmettre sur plusieurs générations.

C’est la théorie défendue par l’analyse transgénérationnelle et l’épigénétique. Si d’un côté, on a la psychogénéalogie, la partie psychologique de la transmission des traumatismes qui permet de voir comment notre place dans la famille peut avoir une influence sur notre vie ; de l’autre on a l’épigénétique, l’aspect biologique de l’hérédité génétique.

Pour Carl Gustave Jung, notre psyché, au même titre que notre corps, est composée d’éléments qui ont déjà existé chez nos ascendants. Ce qui nous différencie de nos ancêtre et donc qui est nouveau dans notre existence individuelle c'est une « recombinaison, variée à l’infini, de composantes extrêmement anciennes».

Si nous ne cherchons pas à comprendre ce que nos aïeux ont cherché, nous risquons de ne pas nous comprendre nous-mêmes, de nous dépouiller de nos instincts, et de nos racines. Alors, l'individu  « devenu particule dans la masse, n’obéit plus qu’à l’esprit de pesanteur».

Si nous nous limitons exclusivement au présent, nous ne « remarquons absolument pas si et comment nos âmes ancestrales perçoivent et comprennent l’aujourd’hui, en d’autres termes, comment l’inconscient réagit».

 

La psychogénéalogie

« Les enfants sont les symptômes des parents » disait Françoise Dolto.

La psychogénéalogie est basée sur le principe que des comportements inconscients, des traumatismes, ou des conflits non résolus peuvent être transmis de génération en génération. Ces comportements nous interdisent de nous réaliser librement.

Pour en devenir conscient et briser le cycle, nous devons étudier notre arbre généalogique. D’abord seulement aidé de notre mémoire, puis dans un second temps, en réalisant notre génosociogramme.

 

L’arbre de mémoire

Ici, il s’agit de dessiner notre arbre simplement en fonction de nos connaissances. Cet arbre peut s’avérer très parlant sur la manière dont nous percevons notre famille, sur les trous de mémoire auxquels nous sommes confrontés, ainsi que sur les relations que nous entretenons avec les différents membres.

Prenons l’exemple d’Anna. Anna a dessiné une première fois un arbre sous lequel elle s’est placée en toute dernière position. Elle s’est positionnée comme si elle était le socle de cette famille et qu’elle devait en porter tous les maux. Ensuite, après cette réalisation, elle a redessiné un arbre sans se placer en bout cette fois. Néanmoins, elle s’est représentée accolée à sa sœur aînée. La branche les séparant était quasi inexistante. Cela lui a permis de mettre le doigt sur la relation fusionnelle et toxique qu’elle entretenait avec sa sœur. Enfin, lors de la troisième séance, elle a pu redessiner un arbre équilibré en se remettant elle et sa sœur à leur place. Elle a décrit cette expérience comme libératrice et a secrètement avoué avoir pleuré à ce moment.

 

Le génosociogramme

Genosociogramme soeurs bronte

Le génosociogramme est un arbre généalogique qui va être réalisé en faisant un maximum de recherches. 

Il concerne cinq à sept générations. Il indique les dates principales (mariages, naissances, décès, déracinements…), les événements importants de l’histoire de la famille (études, professions, séparations, remariages, maladies et accidents, déménagements, traumatismes, incendies, catastrophes, décès prématurés…), et les liens affectifs et familiaux entre les personnes. Il permet de mettre en évidence les schémas répétés au sein de la famille, ainsi que les dates proches ou identiques de différents événements.

Prenons l’exemple de Sarah.  
Sarah est une jeune femme née en France mais dont le reste de la famille, composée de larges fratries, est algérienne. Elle évoque des relations très difficiles avec sa fille ainée de 9 ans. En effet, la petite lui tient tête et lui répond en permanence. Si bien que cela déclenche chez Sarah des sensations de frustration, d’impuissance et de culpabilité. C’est alors qu’en retraçant son arbre généalogique elle a mis en lumière de nombreux décès d’enfants aînés dans les deux générations précédentes. Au terme de l’analyse elle a pu se libérer de la peur et de la tension qu’elle ressentait en présence de son aînée. Sans compter qu’elle a pu ouvrir le dialogue à ce sujet avec sa famille.

L’idée n’est pas de monter un arbre parfait, mais de libérer notre parole, celle de nos proches et d’éclairer certaines zones d’ombre de notre histoire familiale.

Il existe deux types de transmission des traumatismes : par l’inconscient et par les gênes.

 

La transmission des traumatismes familiaux par l’inconscient

Les enfants ne font pas ce qu’on leur dit mais ce qu’on leur montre.

L’imitation est la base du développement d’un nourrisson. Nous avons tous commencé en imitant nos parents. Nous avons imité leurs mimiques, leur langage, leurs accents, leurs façons de vivre et leurs codes. Et c’est comme cela que se transmettent les traumatismes, les émotions, les croyances limitantes, les comportements. Le but de l’analyse transgénérationnelle c’est de mettre en évidence les non-dits pour nous permettre de nous en détacher.

Prenons l’exemple de Mauricette.
Mauricette vient d’une famille très pauvre dont les parents étaient trop occupés par le travail pour s’occuper de leurs enfants. Étant l’aînée, elle s’occupait de sa fratrie comme une mère. Elle a alors, par ce rôle attribué, intégré cette responsabilité de l’aînée. Par la suite, elle a fondé une famille avec son mari et s’est occupé elle-même de ses enfants. Néanmoins, de temps en temps, inconsciemment, elle a sollicité un peu plus sa fille aînée pour la réalisation des tâches quotidiennes que ses frères et sœurs. Elle a aussi été plus encline à lui reprocher ses comportements infantiles et à la féliciter quand elle faisait preuve de plus de sérieux que les enfants de son âge. Mauricette a ici transmis le rôle et les comportements de l’aînée responsable à sa fille aînée. Et ces injonctions se transmettront à ses petits-enfants de façon inconsciente.

 

La transmission des traumatismes familiaux par la génétique

On peut transmettre son vécu via son génome. C’est ce qu’on appelle l’épigénétique. Depuis une dizaine d’année, les chercheurs ont découvert que l’ADN pouvait finalement se modifier après la naissance en fonction de l’environnement.

Il existe des prédispositions génétiques au stress. Pour la simplification narrative, disons que nous avons un gène « Stress » comme nous avons un gène pour la couleur des yeux. Ce gène peut être « Stress ++ » (très stressé) ou « Stress -- » (pas stressé du tout). 

Expérience 1 « Transmission du stress » 

Un mâle souris avec le gène « Stress -- » a été soumis à un stress très important avant de se reproduire.

Il en ressort que :
- Les gènes des spermatozoïdes de ce rat qui auraient dû être « Stress -- » sont devenus « Stress ++ ».
- La descendance de ce mâle étant « Stress ++ », le père a transmis son traumatisme à ses enfants.
- Les spermatozoïdes des enfants se sont avérés « Stress ++ », montrant ainsi que le traumatisme de leur père peut être transmis à leurs enfants, ses petits enfants.

Par conséquent, un traumatisme peut être génétiquement transmis sur plusieurs générations. Toutefois, il est à noter que l’inverse est aussi valable. Une expérience positive peut être transmise sur plusieurs générations.

Expérience 2 « Le changement d'environnement »

Deux femelles souris ont été sélectionnées. Une femelle « Stress - » et une femelle « Stress + ». Elles ont chacune eu des petits auxquels elles ont transmis leur gène de « Stress » respectifs. A la naissance, les petits ont été échangés : les bébés « Stress - » ont été mis avec la mère « Stress + », et les bébés « Stress + » ont été mis avec la maman « Stress - ». A savoir qu’une mère « Stress + » sera irritable, agressive, rejetante avec ses petits, et qu’une maman « Stress - » sera bienveillante, patiente et douce avec ses petits.arbre

Il en ressort que :
- Les petits « Stress + » donnés à une maman « Stress - » sont devenus « Stress - ». Par conséquent, leur génome s’est modifié.
Les petits devenus « Stress - » ont à leur tour fait des petits « Stress - ». Par conséquent, non seulement leur génome s’est modifié mais en plus, il s’est transmis à la génération suivante. Et l’inverse se vérifie également. Les petits « Stress - » donnés à la mère « Stress + »  sont devenus « Stress + ». Et ces petits ont à leur tour fait des petits « Stress + ».

En conclusion, cela démontre que d’une part le génome peut se modifier après la naissance ; et d’autre part, l’environnement et les conditions dans lesquelles sont élevés les petits peuvent engendrer ces modifications qu’elles soient considérées comme positives ou négatives. Enfin, il apparaît que ces modifications sont suffisamment stables et durables pour être transmises à la descendance.

L’épigénétique dans sa globalité propose d’autres expériences qui démontrent les modifications de l’ADN au cours de la vie et la transmission à la descendance de ces modifications acquises. Ici, il est question de montrer de façon très simplifiée comment la famille et l’environnement peuvent transmettre à leur descendance des émotions, des traumatismes, des conditionnements, des croyances limitantes, etc.

L’idée est ici simplement de prendre conscience que nous portons en nous une partie des forces et des faiblesses de nos ascendants et de notre famille. En en comprenant les subtilités et les mécanismes, nous nous réapproprions ainsi notre héritage familial. Ceci s’avère être non seulement un moyen de s’en libérer en rendant à chacun sa place et ses responsabilité, mais aussi de faire un pas de plus vers la connaissance de soi et la liberté d’être vraiment soi.

Le cerveau humain est suffisamment plastique et résilient pour nous laisser atteindre le bonheur. Et cela quelques soient les épreuves que nous avons à surmonter. 

La kinésiologie est une approche thérapeutique qui permet de mettre en lumière et de se libérer des conflits personnels et familiaux, des troubles physiques, émotionnels ou comportementaux qui trouvent leur source dans le passé ainsi que dans l'inconscient familial. 


 

Sources

- Aïe, mes aïeux, Anne Ancelin Schutzenberger, 1993.
​- Liberman N., Wang S.Y., Greer E.L; Transgenerational epigenetic inheritance: from phenomena to molecular mechanisms; Current Opinion in Neurobiology, Volume 59, 2019
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